Quand y'a des fruits, y'a pas d'omelette
Kayanza est située à 1h30 de Bujumbura, à 20 kms de la frontière rwandaise. Plus qu'une ville, c'est un virage dans la montagne, autour duquel se sont construites des maisons, puis des commerces. Mais c'est surtout la croisée de deux routes, dont l'une va vers le Rwanda et l'Uganda et l'autre vers la Tanzanie.
Kayanza est un carrefour.
Le Lycée Pédagogique, où se déroule IFADEM, se trouve en haut d'une colline, à 3 kms de la ville. Alors qu'en bas il n'y a disons... pas grand chose, là-haut il n'y a... rien, un rien sonore, comme la raclure d'une gorge qui éructe dans une tempête de sable...
"Mais la campagne est belle", m'a dit, avec raison, Pierre-Jean Loiret, directeur délégué du programme innovation par les Technologies de l'Information et de la Communication à l'AUF...
Oui... La campagne est très jolie.
Seulement voilà, l'idée que je m'étais faite de l'endroit où j'allais passé les deux prochains mois s'est révélée bien en deçà de la réalité... j'avais une certaine notion du rien pour avoir quand même pas mal voyagé, dans des endroits parfois pas facilement accessibles, mais là j'avoue que j'avais trouvé meilleure école.
Je suis descendu de la voiture sur le terre-plein désert du lycée balayé par le vent et j'ai tout de suite compris le sens de l'énigmatique sourire de Jibril, quelques jours plus tôt, quand on m'a désigné en contre-bas, mais rapidement, comme ça, entre deux "ben voilà, c'est là...", la maison dans laquelle j'allais loger.
Quelques élèves, pas encore partis en vacances, me regardaient amusés. Moi je ne voyais que la terre rouge autour de moi, et ses nuages au-dessus des bâtisses, les collines environnantes encerclées par la brume et la distance, la distance qui me séparait à présent de la ville.
J'ai fait la connaissance de Gédéon, le responsable technique de l'espace IFADEM, avec qui j'allais loger. A ce stade de l'histoire, même si déjà j'y croyais un peu moins, je m'attendais à partager un petit "pavillon" (je précise qu'on avait utilisé le terme "villa" pour désigner l'endroit) avec une personne, Gédéon. Au lieu d'un pavillon j'ai découvert une grande maison dans laquelle logeaient déjà 6 professeurs célibataires du lycée, plus un ami de passage depuis 3 ou 4 mois..
En arrivant à la maison, on me présenta les vaches, dont l'enclos était attenant à la fenêtre de ce qui allait bientôt être ma chambre. Les vaches sont à Joseph, qui fait vendre le lait en ville et qui a une moto aussi, mais qui marche à pied car sa moto fait le taxi, en bas de la colline. Joseph est professeur d'anglais au lycée. Il a des ressources, se tient toujours très droit et parle de manière élégante en français, même s'il est avant tout très fier d'être anglicisant, et que moi je ne comprends rien quand il s'exprime dans cette langue.
On entre dans la maison... Bâtie en 1989, elle abrite donc les professeurs célibataires du lycée. Qui dit célibataires, dit pas de femmes, et qui dit pas de femmes, dit personne pour faire le ménage. C'est simple, je crois que le ménage n'a jamais été fait dans cette maison en vingt ans. Pour le sol, ça passe encore, on ne va pas chipoter. Non, je veux parler ici des toilettes, et de la douche (attenante aux toilettes...). Même en Inde dans les pires endroits, je crois qu'une fissure dans la toiture permettait aux pluies de mousson de faire mousser un bout de savon perdu dans la cuvette... Là, j'ai bien regardé, le plafond était intacte...
je commençais à déprimer sévère et à comprendre peu à peu le sens caché de tous les euphémismes qu'on avait employés pour me décrire l'endroit quand, au bout d'un couloir sans lumière, on me désigna ma chambre.
"Bon, la serrure est un peu capricieuse..."
La porte finit par s'ouvrir et me fit découvrir une pièce aux murs crasseux, à la bonne odeur de vache, dans laquelle Richard, l'ami de passage depuis un bon bout de temps, commençait à rassembler ses affaires.
"Ah oui, ta chambre était occupée jusqu'à maintenant, mais il va déménager justement !"
En fait de déménagement, Richard a traversé le couloir pour aller chez Gédéon... J'étais de plus en plus à l'aise...
La pièce vidée, je me retrouvais dans un endroit sinistre et nu avec pour seul aménagement le matelas que Gédéon avait acheté pour moi. Mais attention, il y a matelas et matelas ! Moi j'avais eu droit à la crème du genre, un matelas Doma-Doma importé de Tanzanie, s'il vous plaît ! À dos d'homme j'imagine, puisqu'il m'avait coûté la bagatelle de 100 000 FBU, l'équivalent de 60 euros, le salaire mensuel d'un cadre de la fonction publique en début de carrière... A ce prix là, et vu la qualité avérée du spécimen, j'avais peine à imaginer sur quoi dormait les gens dans la région...
"Bon.. Ben, merci Gédéon... Et euh... Il y a des draps, une couverture et un oreiller ou... pas ?"
"Ah, non.. On m'a simplement dit que tu avais besoin d'un matelas."
"Ah..."
"On va aller acheter ça en ville alors !"
Ma literie m'aura coûté en tout 100 euros (j'ai pourtant évité l'oreiller, quand j'ai vu le nuage de poussière derrière lequel se cachait le carré d'étoffe rembourré que le marchand frappait pour moi dans la rue après l'avoir tiré du fond de l'étage le plus bas de son étagère) et m'aura fait... 4 jours.
J'imagine que Gédéon revendra encore une fois le matelas; j'allais pas partir avec sur le dos...
En sortant de la maison, malgré tous mes efforts pour masquer mon désarroi, j'étais, je crois, livide, sans voix, et furieusement dépité à l'idée de passer les deux longs mois devant moi dans ma villa burundaise..
On revint vers les vaches et Gédéon me dit d'un air conciliant :
"Eh oui, c'est pas facile hein..."
"Pour qui ? Pour les professeurs ?"
"Non, pour les vaches, elles ne sortent jamais."
PJ Loiret était parti depuis longtemps dans son 4x4, back to Bujumbura, et moi je restais là, sans savoir quoi faire ou quoi dire, dans ce qui me paraissait le terminus du bout du monde, perdu en haut de ma butte dans un lycée désert aux vitres cassées par la guerre, loin, si loin de la pollution rassurante de la ville. Ah... Les charmes de la campagne... On n'a pas idée de ce que c'est vraiment ailleurs quand on est né Normand...
J'avais juste l'impression d'être dans un remake local de SAW, mais avec des gens gentils... Atterrir atterré ici m'aura tout de même permis de rencontrer Jospeh, Anatole, Léonard et Osvald avec qui je suis depuis devenu ami.
Quatre jours plus tard, après deux tentatives infructueuses de douche sous un filet d'eau pour la forme dans une pièce dont les murs glissaient de la multitude luisante de tous les organismes qui prospéraient là dans l'humidité permanente, je décidai de laisser la maison, Gédéon et son matelas et d'aller trouver refuge ailleurs (et d'en toucher, poliment, deux mots à mon directeur...)
Au désespoir se mêlait un sentiment de honte en même temps... Honte que cette crasse m'insupporte à ce point, honte de vomir en allant aux toilettes chaque matin, honte de mon dégoût et de ma honte même. Mais au bout de deux nuits, je me souvins des endroits que j'avais visités en Inde, des maisons dans lesquelles j'avais été accueilli, à 4000 mètres dans la montagne, chez des gens qui n'avaient rien d'autre que leur toit, mais qui vivaient dans un endroit sain. Justement, ces gens, c'était des familles... Eh bien la propreté n'est pas un luxe des pays riches, et si les célibataires ici sont pas foutus de faire le ménage, c'est pas mon problème ! J'ai beau être "célibataire" j'ai appris à user d'un coup d'éponge et je n'allais pas fricoter avec vingt ans de la crasse des autres ! C'est déjà pas facile la collocation, alors faut un minimum quand même...
Mais comme dans toute chose dans la vie quand on essaie d'avoir l'esprit ouvert, deux jours plus tard je m'étais habitué à mon calvaire...
C'est en allant jouer au ping-pong chez les soeurs le surlendemain que j'entrevis l'espoir soudain d'un avenir meilleur... L'Institut Catéchétique Africain, à Muyange, c'est là que les soeurs habitent, à 1 Km du lycée, plus bas dans la montagne. C'était un ancien centre de langue, construit par les missionnaires il y a si longtemps que plus personne ne se rappelle quand, afin que tous les prêcheurs de bonne parole apprennent le Kirundi avant d'aller missionner aux quatre coins du pays. Des bâtissent solides et bien construites, un grand jardin sauvage ombragé par des pins gigantesques au sommet desquels vit une communauté d'éperviers, un cabaret en bas avec moult Amstel et table de ping-pong... Le paradis quoi !
Je m'enquerrai du prix de la nuit auprès de Soeur Béatrice, qui, radieuse, les yeux pétillant de l'amour de son prochain et de son porte-monnaie, m'invita à pousser la porte d'une chambre ravissante dans laquelle trônait un vrai lit, avec un vrai matelas moins cher qu'un Doma-Doma, une grande table pour l'étude, une étagère, un lavabo et un savon ! Maïgode ! Un endroit tenu par des femmes ! qui sent le vieux livre et non pas le moisi, une fenêtre sur un jardin et dans le jardin des bonnes soeurs qui gambadent en faisant des bouquets ! Il ne me manquait plus que l'air de guitare jovial d'un boy-scout en veillée pour parfaire le tableau de ma renaissance ! Mon existence avait de nouveau un but, une direction, un point focal : Mon ambition nouvelle était d'habiter chez les bonnes soeurs !!
Le lendemain, je redescendais à Muyange, parloter avec le Père Norbert, haut responsable auprès de Notre Seigneur de tous ces coeurs radieux, dont les yeux pétillait d'un amour encore plus indéfectible que celui de soeur Béatrice. On parlota beaucoup le Père Norbert et moi, parce qu'il aime vraiment beaucoup son prochain... plus que ma bourse ne pouvait me le permettre... Mais on finit par se mettre d'accord sur un mois et demi, la chambre à moitié prix et omelette le matin.
"Euh... (miel miel miel) vous prenez quoi le matin ?"
"J'ai entendu dire que vous aviez du pain..."
"Oui ! Ca, du pain, il y en a toujours !"
"De l'omelette ?"
"Des oeufs aussi, il y en a... Vous buvez quoi ? Du café ? D'accord... Euh... (fond du pot de miel) Autre chose ?"
"Euh... Je ne sais pas... Des fruits peut-être ?"
"Ah... (p'ud miel) vous prenez aussi des fruits...
"Ah ah ! Noooon ! rassurez-vous, vous savez, j'ai des goûts simples... Je prendrai... la même chose que vous !"
Au final, j'ai des fruits parfois. Mais quand y'a des fruits, y'a pas d'omelette...
Kayanza est un carrefour.
Le Lycée Pédagogique, où se déroule IFADEM, se trouve en haut d'une colline, à 3 kms de la ville. Alors qu'en bas il n'y a disons... pas grand chose, là-haut il n'y a... rien, un rien sonore, comme la raclure d'une gorge qui éructe dans une tempête de sable...
"Mais la campagne est belle", m'a dit, avec raison, Pierre-Jean Loiret, directeur délégué du programme innovation par les Technologies de l'Information et de la Communication à l'AUF...
Oui... La campagne est très jolie.
Seulement voilà, l'idée que je m'étais faite de l'endroit où j'allais passé les deux prochains mois s'est révélée bien en deçà de la réalité... j'avais une certaine notion du rien pour avoir quand même pas mal voyagé, dans des endroits parfois pas facilement accessibles, mais là j'avoue que j'avais trouvé meilleure école.
Je suis descendu de la voiture sur le terre-plein désert du lycée balayé par le vent et j'ai tout de suite compris le sens de l'énigmatique sourire de Jibril, quelques jours plus tôt, quand on m'a désigné en contre-bas, mais rapidement, comme ça, entre deux "ben voilà, c'est là...", la maison dans laquelle j'allais loger.
Quelques élèves, pas encore partis en vacances, me regardaient amusés. Moi je ne voyais que la terre rouge autour de moi, et ses nuages au-dessus des bâtisses, les collines environnantes encerclées par la brume et la distance, la distance qui me séparait à présent de la ville.
J'ai fait la connaissance de Gédéon, le responsable technique de l'espace IFADEM, avec qui j'allais loger. A ce stade de l'histoire, même si déjà j'y croyais un peu moins, je m'attendais à partager un petit "pavillon" (je précise qu'on avait utilisé le terme "villa" pour désigner l'endroit) avec une personne, Gédéon. Au lieu d'un pavillon j'ai découvert une grande maison dans laquelle logeaient déjà 6 professeurs célibataires du lycée, plus un ami de passage depuis 3 ou 4 mois..
En arrivant à la maison, on me présenta les vaches, dont l'enclos était attenant à la fenêtre de ce qui allait bientôt être ma chambre. Les vaches sont à Joseph, qui fait vendre le lait en ville et qui a une moto aussi, mais qui marche à pied car sa moto fait le taxi, en bas de la colline. Joseph est professeur d'anglais au lycée. Il a des ressources, se tient toujours très droit et parle de manière élégante en français, même s'il est avant tout très fier d'être anglicisant, et que moi je ne comprends rien quand il s'exprime dans cette langue.
On entre dans la maison... Bâtie en 1989, elle abrite donc les professeurs célibataires du lycée. Qui dit célibataires, dit pas de femmes, et qui dit pas de femmes, dit personne pour faire le ménage. C'est simple, je crois que le ménage n'a jamais été fait dans cette maison en vingt ans. Pour le sol, ça passe encore, on ne va pas chipoter. Non, je veux parler ici des toilettes, et de la douche (attenante aux toilettes...). Même en Inde dans les pires endroits, je crois qu'une fissure dans la toiture permettait aux pluies de mousson de faire mousser un bout de savon perdu dans la cuvette... Là, j'ai bien regardé, le plafond était intacte...
je commençais à déprimer sévère et à comprendre peu à peu le sens caché de tous les euphémismes qu'on avait employés pour me décrire l'endroit quand, au bout d'un couloir sans lumière, on me désigna ma chambre.
"Bon, la serrure est un peu capricieuse..."
La porte finit par s'ouvrir et me fit découvrir une pièce aux murs crasseux, à la bonne odeur de vache, dans laquelle Richard, l'ami de passage depuis un bon bout de temps, commençait à rassembler ses affaires.
"Ah oui, ta chambre était occupée jusqu'à maintenant, mais il va déménager justement !"
En fait de déménagement, Richard a traversé le couloir pour aller chez Gédéon... J'étais de plus en plus à l'aise...
La pièce vidée, je me retrouvais dans un endroit sinistre et nu avec pour seul aménagement le matelas que Gédéon avait acheté pour moi. Mais attention, il y a matelas et matelas ! Moi j'avais eu droit à la crème du genre, un matelas Doma-Doma importé de Tanzanie, s'il vous plaît ! À dos d'homme j'imagine, puisqu'il m'avait coûté la bagatelle de 100 000 FBU, l'équivalent de 60 euros, le salaire mensuel d'un cadre de la fonction publique en début de carrière... A ce prix là, et vu la qualité avérée du spécimen, j'avais peine à imaginer sur quoi dormait les gens dans la région...
"Bon.. Ben, merci Gédéon... Et euh... Il y a des draps, une couverture et un oreiller ou... pas ?"
"Ah, non.. On m'a simplement dit que tu avais besoin d'un matelas."
"Ah..."
"On va aller acheter ça en ville alors !"
Ma literie m'aura coûté en tout 100 euros (j'ai pourtant évité l'oreiller, quand j'ai vu le nuage de poussière derrière lequel se cachait le carré d'étoffe rembourré que le marchand frappait pour moi dans la rue après l'avoir tiré du fond de l'étage le plus bas de son étagère) et m'aura fait... 4 jours.
J'imagine que Gédéon revendra encore une fois le matelas; j'allais pas partir avec sur le dos...
En sortant de la maison, malgré tous mes efforts pour masquer mon désarroi, j'étais, je crois, livide, sans voix, et furieusement dépité à l'idée de passer les deux longs mois devant moi dans ma villa burundaise..
On revint vers les vaches et Gédéon me dit d'un air conciliant :
"Eh oui, c'est pas facile hein..."
"Pour qui ? Pour les professeurs ?"
"Non, pour les vaches, elles ne sortent jamais."
PJ Loiret était parti depuis longtemps dans son 4x4, back to Bujumbura, et moi je restais là, sans savoir quoi faire ou quoi dire, dans ce qui me paraissait le terminus du bout du monde, perdu en haut de ma butte dans un lycée désert aux vitres cassées par la guerre, loin, si loin de la pollution rassurante de la ville. Ah... Les charmes de la campagne... On n'a pas idée de ce que c'est vraiment ailleurs quand on est né Normand...
J'avais juste l'impression d'être dans un remake local de SAW, mais avec des gens gentils... Atterrir atterré ici m'aura tout de même permis de rencontrer Jospeh, Anatole, Léonard et Osvald avec qui je suis depuis devenu ami.
Quatre jours plus tard, après deux tentatives infructueuses de douche sous un filet d'eau pour la forme dans une pièce dont les murs glissaient de la multitude luisante de tous les organismes qui prospéraient là dans l'humidité permanente, je décidai de laisser la maison, Gédéon et son matelas et d'aller trouver refuge ailleurs (et d'en toucher, poliment, deux mots à mon directeur...)
Au désespoir se mêlait un sentiment de honte en même temps... Honte que cette crasse m'insupporte à ce point, honte de vomir en allant aux toilettes chaque matin, honte de mon dégoût et de ma honte même. Mais au bout de deux nuits, je me souvins des endroits que j'avais visités en Inde, des maisons dans lesquelles j'avais été accueilli, à 4000 mètres dans la montagne, chez des gens qui n'avaient rien d'autre que leur toit, mais qui vivaient dans un endroit sain. Justement, ces gens, c'était des familles... Eh bien la propreté n'est pas un luxe des pays riches, et si les célibataires ici sont pas foutus de faire le ménage, c'est pas mon problème ! J'ai beau être "célibataire" j'ai appris à user d'un coup d'éponge et je n'allais pas fricoter avec vingt ans de la crasse des autres ! C'est déjà pas facile la collocation, alors faut un minimum quand même...
Mais comme dans toute chose dans la vie quand on essaie d'avoir l'esprit ouvert, deux jours plus tard je m'étais habitué à mon calvaire...
C'est en allant jouer au ping-pong chez les soeurs le surlendemain que j'entrevis l'espoir soudain d'un avenir meilleur... L'Institut Catéchétique Africain, à Muyange, c'est là que les soeurs habitent, à 1 Km du lycée, plus bas dans la montagne. C'était un ancien centre de langue, construit par les missionnaires il y a si longtemps que plus personne ne se rappelle quand, afin que tous les prêcheurs de bonne parole apprennent le Kirundi avant d'aller missionner aux quatre coins du pays. Des bâtissent solides et bien construites, un grand jardin sauvage ombragé par des pins gigantesques au sommet desquels vit une communauté d'éperviers, un cabaret en bas avec moult Amstel et table de ping-pong... Le paradis quoi !
Je m'enquerrai du prix de la nuit auprès de Soeur Béatrice, qui, radieuse, les yeux pétillant de l'amour de son prochain et de son porte-monnaie, m'invita à pousser la porte d'une chambre ravissante dans laquelle trônait un vrai lit, avec un vrai matelas moins cher qu'un Doma-Doma, une grande table pour l'étude, une étagère, un lavabo et un savon ! Maïgode ! Un endroit tenu par des femmes ! qui sent le vieux livre et non pas le moisi, une fenêtre sur un jardin et dans le jardin des bonnes soeurs qui gambadent en faisant des bouquets ! Il ne me manquait plus que l'air de guitare jovial d'un boy-scout en veillée pour parfaire le tableau de ma renaissance ! Mon existence avait de nouveau un but, une direction, un point focal : Mon ambition nouvelle était d'habiter chez les bonnes soeurs !!
Le lendemain, je redescendais à Muyange, parloter avec le Père Norbert, haut responsable auprès de Notre Seigneur de tous ces coeurs radieux, dont les yeux pétillait d'un amour encore plus indéfectible que celui de soeur Béatrice. On parlota beaucoup le Père Norbert et moi, parce qu'il aime vraiment beaucoup son prochain... plus que ma bourse ne pouvait me le permettre... Mais on finit par se mettre d'accord sur un mois et demi, la chambre à moitié prix et omelette le matin.
"Euh... (miel miel miel) vous prenez quoi le matin ?"
"J'ai entendu dire que vous aviez du pain..."
"Oui ! Ca, du pain, il y en a toujours !"
"De l'omelette ?"
"Des oeufs aussi, il y en a... Vous buvez quoi ? Du café ? D'accord... Euh... (fond du pot de miel) Autre chose ?"
"Euh... Je ne sais pas... Des fruits peut-être ?"
"Ah... (p'ud miel) vous prenez aussi des fruits...
"Ah ah ! Noooon ! rassurez-vous, vous savez, j'ai des goûts simples... Je prendrai... la même chose que vous !"
Au final, j'ai des fruits parfois. Mais quand y'a des fruits, y'a pas d'omelette...