Pas si dur à cuire
- Ca va ?
- C'est bon.
Mais dès que le soleil a dépassé les maisons :
- Ca va ?
- Ah ! Je suis fa-ti-gué ! (avec 3 "f" et un â bien gras comme dans pâtes)
A Bujumbura, la chaleur est écrasante.
Le blanc est bien faible en Afrique, il ressemble à une girafe dans un zoo, à un lapin sans ses oreilles, à un bobtail qu'on a tondu ; l'évidence que physiologiquement, son milieu naturel est ailleurs... Il lui manque le cuir, une épaisseur de peau, une épaisseur d'épaule, pour arriver sans trop souffrir à la fin de la journée...
Dehors, immédiatement, j'ai l'impression d'être comme ces écorchés en mouvement croisés à l'exposition scientifico-sensationnelle "Our Body / à corps ouvert", ou comme un gigot d'agneau sur la braise, pour ceux qui l'aurait manquée... Je rôtis littéralement sur place, et les moults couches de crème dont je m'enduis pour garder les chairs tendres ne servent à rien ; elles se mêlent irrémédiablement aux flots de sueur qui m'inondent dès que j'ai quitté l'ombre..
L'ombre... Ce mot prend tout son sens ici. La rareté fait la valeur de l'ombre. Elle se mesure à la chaleur qu'il fait quand on la quitte et suscite la gratitude, immense lorsqu'elle est prodiguée par un arbre au milieu d'un désert. Ce n'est pas pour rien que la fonction décorative des arbres chez nous, en bordure de routes ou pour agrémenter un jardin, devient ici fonction sociale, et lui donne un sens plein.
L'arbre à palabres est le témoin bienveillant de toutes sortes de transactions pendant le jour, de conciles et de conseils, et le repos contre lequel on s'adosse à la tombée du soir. L'arbre est ici une auberge naturelle.
Mais pour le moment, je suis dans la rue. Un chapeau, des lunettes, trop de vêtements, toujours trop de vêtements... Je partage avec l'Homme Invisible la même étrangeté, sauf que moi... (différence de taille s'il en est) je suis bien visible ! La proie facile, brillante, saignante, à point, le carrefour incandescent de tous les regards.
Qu'il est périlleux, la première fois, de mettre le pied dehors ! Mais pour aller où ? La droite et la gauche offrent le même inconnu, la marche est inquiétante car on n'en connaît pas le but. Alors on feinte, on cherche un coiffeur dans le quartier, un cyber café, une épicerie, et on absorbe en passant toutes les informations nouvelles, plus que de coutume, ô combien ! dans l'espoir de forcer le mystère absolu d'une journée nouvelle à se faire conciliant.
Et peu à peu, très vite en fait, on se retrouve à l'aise dans la rue principale, une fois qu'ont été identifiées les ancres qui aident à naviguer. Et on joue à y revenir, à y rester même, un peu, histoire d'imaginer jusqu'où on va pouvoir aller.
J'aime cette transition, le moment imperceptible où la panique des choses les plus simples devient un seuil nouveau, ce basculement de la normalité d'un référent à son contraire.
La rencontre la plus anodine devient un moment de fête, la traversée d'une route, une aventure.
Je lis, j'écris, j'écoute... Être en danger éveille les sens.
- C'est bon.
Mais dès que le soleil a dépassé les maisons :
- Ca va ?
- Ah ! Je suis fa-ti-gué ! (avec 3 "f" et un â bien gras comme dans pâtes)
A Bujumbura, la chaleur est écrasante.
Le blanc est bien faible en Afrique, il ressemble à une girafe dans un zoo, à un lapin sans ses oreilles, à un bobtail qu'on a tondu ; l'évidence que physiologiquement, son milieu naturel est ailleurs... Il lui manque le cuir, une épaisseur de peau, une épaisseur d'épaule, pour arriver sans trop souffrir à la fin de la journée...
Dehors, immédiatement, j'ai l'impression d'être comme ces écorchés en mouvement croisés à l'exposition scientifico-sensationnelle "Our Body / à corps ouvert", ou comme un gigot d'agneau sur la braise, pour ceux qui l'aurait manquée... Je rôtis littéralement sur place, et les moults couches de crème dont je m'enduis pour garder les chairs tendres ne servent à rien ; elles se mêlent irrémédiablement aux flots de sueur qui m'inondent dès que j'ai quitté l'ombre..
L'ombre... Ce mot prend tout son sens ici. La rareté fait la valeur de l'ombre. Elle se mesure à la chaleur qu'il fait quand on la quitte et suscite la gratitude, immense lorsqu'elle est prodiguée par un arbre au milieu d'un désert. Ce n'est pas pour rien que la fonction décorative des arbres chez nous, en bordure de routes ou pour agrémenter un jardin, devient ici fonction sociale, et lui donne un sens plein.
L'arbre à palabres est le témoin bienveillant de toutes sortes de transactions pendant le jour, de conciles et de conseils, et le repos contre lequel on s'adosse à la tombée du soir. L'arbre est ici une auberge naturelle.
Mais pour le moment, je suis dans la rue. Un chapeau, des lunettes, trop de vêtements, toujours trop de vêtements... Je partage avec l'Homme Invisible la même étrangeté, sauf que moi... (différence de taille s'il en est) je suis bien visible ! La proie facile, brillante, saignante, à point, le carrefour incandescent de tous les regards.
Qu'il est périlleux, la première fois, de mettre le pied dehors ! Mais pour aller où ? La droite et la gauche offrent le même inconnu, la marche est inquiétante car on n'en connaît pas le but. Alors on feinte, on cherche un coiffeur dans le quartier, un cyber café, une épicerie, et on absorbe en passant toutes les informations nouvelles, plus que de coutume, ô combien ! dans l'espoir de forcer le mystère absolu d'une journée nouvelle à se faire conciliant.
Et peu à peu, très vite en fait, on se retrouve à l'aise dans la rue principale, une fois qu'ont été identifiées les ancres qui aident à naviguer. Et on joue à y revenir, à y rester même, un peu, histoire d'imaginer jusqu'où on va pouvoir aller.
J'aime cette transition, le moment imperceptible où la panique des choses les plus simples devient un seuil nouveau, ce basculement de la normalité d'un référent à son contraire.
La rencontre la plus anodine devient un moment de fête, la traversée d'une route, une aventure.
Je lis, j'écris, j'écoute... Être en danger éveille les sens.