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Affichage des articles du février, 2008

La dernière séance 4/6

Elle affichait un calme hystérique… Je sentais à ce point que tout fumait en elle, mais sans fumée, c’est là tout l’art de la politesse locale. Allait-elle finir par lâcher le gros morceau ou son petit cœur allait-il cesser de battre avant ? Ce qui m'horripile dans les situations de ce genre, ce sont les chemins fourbes empruntés par ces codes doucereux pour exprimer une pensée de la manière la plus indirecte possible. Pourquoi ne m'avait-t-elle pas simplement demandé « pourquoi ne me dites-vous toujours que bonjour quand vous me voyez ? » au lieu d'inventer cette histoire invraisemblable de prof d'anglais et de conclure par un grand écart sans grâce avec la culture française dans lequel j’étais censé comprendre le reproche qui m'était fait ? Diable, des centaines de milliers d'années de vie sociale n'ont toujours pas simplifié l'échange de rapports aussi triviaux... Il faut toujours faire semblant, faire semblant d'être au lieu d'être véritablem

La dernière séance 3/6

- Comment dit-on « small talk » en français ? me demanda-t-elle.  Méfiant, je lançai : - « conversation futile… » - Est-ce que ce n'est pas la même chose en France ?  Je répondis naïvement : - Si, si… j’imagine que c’est la même chose en France, vous savez… Son regard prit soudain l’expression courroucée du mérou flegmatique en danger et elle s’écria :  - Aâh bôôn ?! Mais vous ne faites pas, vous ! Ayant fini par comprendre la subtilité de l’attaque, je lâchai sans détour : - Moi, j’aime pas les « smalls talks ». - Iiiiiiiiiiii !! Mais vous, vous dites simplement « bonjour, ca va ? » quand on se retrouve à la gare ! Comment voulez-vous commencer une discussion comme ça ? Les « small talks », ça permet de montrer son sentiment à la personne ! C’est vrai que je n’ai jamais été un expert en « small talks ». En fait, je n’ai pas cette aisance systématique dans la distribution des compliments et des petits blablas et j’abhorre, je maudis, même j’honnis ces trous d’air conventionnels qui

La dernière séance 2/6

Ma délicate amie faisait référence à un événement qui s’était produit trois semaines plus tôt. On m’avait offert deux places pour assister à la célébration musicale du soixantenaire de la mort de Gandhi à une heure et demie en train de Tokyo. Comme le concert tombait un samedi, je lui avais proposé de m’accompagner. Elle était ravie. Après la représentation, dans le train qui nous ramenait en ville, elle me demanda ce que j’avais mangé la veille. - J’ai cuisiné un curry thaï ! lui lançai-je alors très fier. D’ailleurs je l’ai fini à midi, il en restait… - Ah bon ! Et qu’est-ce que vous avez mis dedans ? - Ben… des carottes, des pommes de terre, des pousses de bambou, des champignons, des poivrons, des crevettes… - C’est tout ? - Ah ! non, et de l’ail aussi ! - Ah… c’est ça, oui… - Quoi ? - Vous sentez l’ail très fort… - Hem… Euh… merci. Enfin… Ah bon ? Je veux dire… vraiment ? Alors que je trouve que mes étudiants ont parfois une haleine poussiéreuse, il ne me viendrait jamais à l’idé

La dernière séance 1/6

[Toute ressemblance avec des personnes de la vie réelle est purement fortuite…] J’avais une étudiante. C’était une femme infantile d’une quarantaine d’année, un peu folle mais toujours très élégante. Elle avait une manière bien à elle de tordre la bouche en réfléchissant qui m’évoquait immanquablement ce que j'imaginais être le baiser des poissons. Elle était artiste peintre à ses heures et travaillait sinon dans une grande entreprise de jeux vidéos. Elle avait fini par représenter à mes yeux le syncrétisme même de l’emballage traditionnel et de la Wii, et si je m’étonnais un peu au début de son excentricité, je m’étais peu à peu attaché à ce que j’avais fini par considérer comme de l’originalité. Elle courait vers nos rendez-vous avec la grâce d’un bourdon aveugle et roulait souvent ses grands yeux avec un charme particulier qui lui en décollait les lentilles. Elle avait alors deux yeux dans chaque orbite et moi j’étais ému de tant d’attention. Elle était aussi pleine de petites i

RADIO BLOUG UPDATED !!

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La musique est aimant. Elle attire à elle pour les conserver les images, les visages, les couleurs et les ambiances. Certains des morceaux que j'écoute aujourd'hui, je les écoutais déjà il y a plus de dix ans, pendant les longs voyages en Inde. 48 heures de train de Bombay à Calcutta, ça laisse le temps de rêver forcément, et d'écouter la bande plusieurs fois. C'est encore plus délicieux lorsque les personnages d'un roman trouvent leur alter-ego dans ceux d'une chanson. Ainsi je lisais La Guerre , de Le Clézio en écoutant Songs of Love and Hate de Leonard Cohen, et je me souviens que je n'ouvrais pas le livre à l'époque sans écouter la musique en même temps. Désormais, cet album a pris une densité particulière et bien qu'il s'y soit aussi ajouté d'autres images, il reste irrévocablement lié aux contrastes noirs / néons, à la spectaculaire solitude du monde moderne, et aux reflets de mercure glissant sur les lunettes noires de Béa B. dans La

La classe... de neige..

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Julie Doiron - Snow Falls in November