La Princesse de Babylone

Ah... les charmes de l'Orient !

Nous venions déjà de traverser déserts et dangers, une nuit de dunes, pleine de lueurs et de bruits étranges, de ces petites dunes fourbes, creusées par les roues des caravanes sur la gadoue des routes mystiques, et nous n'étions encore qu'au seuil de notre première nuit, vannés...

Les préliminaires à l'aventure sont toujours pleins de péripéties. La limite est floue d'ailleurs, tant il est difficile d'avoir idée du cours que vont prendre les événements, ne seraient-ce que les plus anodins. Candide aurait été bien emmerdé au Cambodge, et sans le sou, très vite.

Car évidemment, point de répis à l'arrivée; il nous fallut encore affronter le zèle de nos caravaniers et leurs hordes de moustiques loustics ! Par un de ces enchantements qui n'existent que dans les contes orientaux, le terminus de notre caravane se trouva coïncider avec la cour de la guest house du cousin du chef des bédouins... Attitude altière s'il en est, d'autant que nous étions arrivés pile à l'heure, c'est-à-dire à l'heure où il est tellement tard qu'il est difficile d'aller ailleurs...

Moi, dans ces cas là, je digère mal l'élixir et j'avais fait quelques pas de côté pour regarder la lune, essayant de mêler le bourdonnement hystérique des loueurs de matelas au chant des cigales. Charlie, m'avait bien donné l'adresse d'un endroit où loger, mais je n'avais évidemment aucune idée de la manière d'y aller.

Carl était perplexe :

- Eh, les amis, vous faites quoi, vous ? Vous avez un plan ? Euh... Qu'est-ce que vous en pensez, on peut peut-être rester là pour la nuit ?
- Ben vas-y, reste si tu veux, Carl...
- Oh, moi, je disais ça comme ça... J'aime pas trop me sentir obligé, mais bon en même temps... Euh... Je sais pas trop en fait...
- Maya, on va voir ailleurs ?
- Je peux venir avec vous ?

A peine franchi le portail du piège à tourteaux, qu'un essaim de loustics se détacha du groupe des touristes accablés pour fondre sur nous, alors qu'un autre nous attendait déjà dehors. Les hello-please-sir-madam-you come-cheap-cheap redoublèrent de plus belle...

- You know Bau Savy ?
- Yes, yes, no problem ! You come ?
- It's far ?
- No problem, not far ! Come !
- But how far ? Maybe we go walking...
- No, very far ! You need tuk-tuk, come !
- ...
- If no room Bau Savy, then you see my guest house, ok ?

C'était à 500 mètres en fait...

- Please sir, you wait here. I go talk Bau Savy, maybe no room for you tonight.

Et puis :

- Sorry my friend, no room... You come my guest house, cheap cheap !

Je pris Maya par la main, elle prit Carl par la sienne et on entra dans Bau Savy. Derrière nous, les moustiques aiguisaient leurs dards avec fureur... Je sautai sur le responsable, lui pris la main et commençai à lui parler de Tamiko Chan et Charlie, du bien qu'ils m'avaient dit d'eux, du bonheur d'avoir enfin pu trouver Bau Savy et pleins d'autres choses encore avec un grand sourire... Je n'avais aucune idée de l'endroit où nous nous trouvions en fait, mais ça ne pouvait pas être pire que chez les bédouins, et de toute façon, je faisais entièrement confiance à mes deux patrons.


La maman du responsable arriva. Elle se mit a nous dire dans un très bon français que toutes les chambres étaient complètes, mais qu'on pouvait dormir dans la chambre de son fils ! Elle allait préparer les lits, si on voulait bien attendre un peu...

On avait vaincu les moustiques !

Je remerciai la lune, Tamiko Chan, Charlie, et Ganesh, sans qui rien n'arrive, et pour la première fois depuis la veille, je me sentis arrivé quelque part. Carl était ravi, mais c'est le seul qui lui dit en anglais :

- Thank you very much !

Maman lui lança un regard réprobateur. Elle revint un quart d'heure plus tard pour nous dire qu'évidemment, ce soir on ne payait pas, qu'ils étaient vraiment content qu'on soit venus chez eux et qu'on était leurs invités...

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