Hanabi

L'été, au Japon, c'est la saison des Hanabi (understandez "feux d'artifices").

On aime les feux d'artifices, même quand ils ont un petit côté suranné de fête de village, ou de relans nationnaux populistes sur fond de musique Jean-Michel Jarro-militaire, c'est toujours sympa, ça brille, et pour un temps, adultes et enfants lèvent la tête dans la même direction, loin dans les nuages.

Dans mon village de Normandie, quand j'étais petit, j'aimais bien ce côté "fait à la main" du feux d'artifices. On devait être 30 autour de la mare, c'est dire si y'avait foule! Et puis on applaudissait tous bien fort, parce que c'est pas comme à Paris, le mec là, derrière son buisson, qui faisait partir les fusées, il nous entendait, alors ça l'aurait déçu de se dire qu'il y avait peut-être des sceptiques dans la foule.

J'ai retrouvé ici le père qui s'émerveille des couleurs du ciel plus que son fils qu'il porte sur les épaules et qui regarde par terre pour essayer de voir où est tombé le bonbon qu'il avait dans la main y'a pas deux minutes. J'ai retrouvé ces cris ébaubis, ces applaudissements incontrôlés qui se perdent dans le ciel, cette attente, cette anxiété de se demander si on aurait pas raté le bouquet final sans s'en apercevoir, cette pensée simple de se dire que quand même les hommes c'est chouette quand ça fait des dessins dans les nuages.

A part ça le feux d'artifice ici, c'est la guerre!
Les rues sont coupées, les gens rangés entre deux barrières de manifestations, les flics montés sur des 4x4 hurlant des trucs incompréhensibles dans leur haut-parleur, rendus plus fanatiques encore par la lumière rouge des gyrophares qui les fait clignoter et pleins, pleins d'autres personnes qui toutes donnent des consignes que personne n'écoute. S'il n'était le tonnerre des fusées rebondissant à tous les horizons dans la caisse de résonnance des gratte-ciel alentour, on en oublierait vite de regarder en l'air tant cette atmosphère de crise fait penser à ce que doit être le début de la fin du monde dans cette grande ville.

La plupart des gens étaient rangés sous des arbres, assis sur des bâches, sûrs de ne rien apercevoir d'autres qu'une maigre rougeur du ciel, par intermittence, trop pareil à celle des gyrophares pour affirmer que c'eut été le contraire. Aveugles, donc, mais rangés!

En m'écartant avec peine du cercle des réfugiés, et avant de me faire héler par un membre du service de l'ordre (c'est à ce moment là que je compris le sens profond de cette appellation...), je réussis à sortir mon super appareil Topétou.


Ce qu'il y a de bien aussi avec les Hanabi, c'est que ça dure longtemps, entre 1H00 et 1H30... peut-être pour augmenter les chances que chacun, au travers d'une brèche dans le feuillage subrepticement ouverte par le vent, puisse tenter de voir au moins un pétard.

Si les Hanabi sont aussi populaires, c'est aussi parce que cette tradition remonte à l'époque d'Edo, c'est-à-dire, il y a...fffiouu... plusieurs centaines d'années au moins. La tradition est si vivante que beaucoup de jeunes tiennent absolument à se parer de leur Yukata du dimanche (comprenez un kimono facile à mettre), même si certaines ont échangé leurs Geta contre des tongs et que ni les coiffures ni la démarche ne parviennent tout à fait à gommer l'artifice ...

Quand même, l'effort est particulièrement plaisant chez les Gals de Shibuya, qui savent si ingénument marier tradition et modernité...

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