A-ra Akubaru

Toi seul nous adorons, et vers Toi seul nous nous tournons pour demander de l'aide. (al-Qu'ran 1-5 - Prologue)

J’ai pêché, de vous avoir laissé ainsi si longtemps sans nouvelle du levant, mais ce n’est pas pour expier ma faute que j’y suis allé, faut pas pousser.

Ce n’est pas non plus pour me cacher derrière un arrivisme poltron qui m’aurait fait rechercher l’assentiment et la protection du plus belliqueux des deux groupes d'un monde caricaturé bêtement entre pacifiques imberbes et méchants barbus, bien que j’en arrive à me dire que si si peu d’encre appelle à faire couler tant de sang, nous allons peut-être pouvoir le voir avant d'être vieux, en fait, le spectacle de notre apocalypse...

Non, ce n’est pas pour ça que j’ai franchi la grande porte de bois sculpté, mais parce que je passais devant tous les matins. J’aurais pu passer ainsi longtemps encore, en repoussant à plus tard l’appel ténu de ce mystère en plein coeur de la ville, mais ce jour là... il fallait que je m’arrête.


La Mosquée de Tokyo...
Rien que le nom étonne, comme si on avait collé ensemble, pour l’effet, le début d’une phrase et la fin d’une autre. La Grande Mosquée d’Istanbul, c’est naturel ; La Mosquée de Paris, ça n’étonne personne, mais à Tokyo, c’est pas si évident ! C’est qu’il n’y en a pas beaucoup des musulmans ici... On peut croiser un indonésien, de temps en temps ; il y a bien deux trois indiens, un ou deux pakistanais, quelques africains de passage permanent... Et si on cherche bien, on trouvera peut-être un maghrébin, mais bon, ça vous remplit pas une mosquée, ça, non plus.

Tokyo est une grande ville et si ses quelques musulmans s'y retrouvent pour la prière du vendredi, la Mosquée reste vide, la plupart du temps. La religion, d'ailleurs, n'est pas une évidence ici, bien qu'on oublie pas de pousser un peu le chant rituel sur son lit de mort, au cas où, et qu'il y ait de jolis temples partout, riches et déserts, et des moines non-imposés qui roulent en Mercedes... Ca fait partie du décor -c'est beau, c'est vrai-, de la culture, et d'une certaine vision antique du monde, mais je n'ai jamais eu l'impression que ça faisait vraiment partie du coeur des gens. Il y a bien l'engouement ponctuel des Matsuri, les festivals, mais c'est une autre histoire...

La Mosquée...on ne voit qu’elle, et de très loin. Si les sanctuaires shintô ou bouddhistes d’importance sont souvent construits au coeur d’une enceinte d’arbres et de jardin, la Mosquée, elle, dresse son minaret au-dessus des immeubles alentours, au bord de cette route toute droite.

Elle est en marbre et en pierres blanches, d’un blanc de nuage, qui lui donne un air éthéré et rend vaporeuses jusqu’aux dorures des frises flottant autour.

Elle est belle cette Mosquée, avant même qu’on ait osé y pénétrer. Eseulée, posée là par hasard, même plus musulmane pour le coup, puisque personne n'y va, elle semble ne remplir que le seul office de rappeler aux hommes l’existence d’un monde plus léger au coeur du nôtre, silencieusement. Un lieu de prière idéal, quoi...


A Paris, les églises sont belles, mais il faut toujours qu’il y ait les messes et leurs discours flagellaires pour vous saper le recueillement. C’est pénible à la fin, on est obligé de repartir avec le programme pour savoir quand être sûr d’avoir la paix. C’est le comble dans une église, me direz-vous, et vous aurez bien raison. En même temps, s’il n’y avait pas les messes et les petites cérémonies bien huilées, on n'entendrait plus les fausses notes de l’orgue quand il répète, ou quand il se met à jouer du Richard Clayderman, et ça, c’est sympa...

Mais revenons à nos moutons, comme on dit les soirs de ramadan. C’est le soir d’ailleurs, et la Mosquée s’illumine. J'y ai rencontré un homme, qui m'a expliqué que cette Mosquée était financée par des fonds privés turcs et qu'elle servait aussi de centre d'étude. A l'heure de la prière, je l'ai accompagné. Nous étions seuls dans ce lieu gigantesque. Assis un peu en retrait, le laissant seul à ses prières, je m'occupai des miennes, en écoutant l'Adhân.




Lorsque l'on sort, tout a changé.
Se retrouver à Tokyo, sans transition. Cette atmosphère qui vous éblouit comme un vent froid, pleine d'odeurs et pleine de bruits, saturée des images de la ville. Une turbulence permanente.

De se sentir si calme dans ces vagues, on en a la tête qui tourne, comme en pleine mer lorsqu'après des heures passées au large, sur le pont d'un navire, on s'enferme dans sa cabine. Il suffit de peu de temps pour se sentir ailleurs. Il suffit de pousser la porte d'un monde sensible et ressortir plein de silence. Il suffit juste de s'arrêter.

Je la salue tous les matins; parfois je m'y arrête. J'y suis seul, la plupart du temps, goûtant l'étrange plaisir d'être saisi par le vide, avant de rejoindre le monde.

C'est une halte brève, dans un endroit magique et désert, comme on croirait qu'il n'en existe pas. Je suis heureux d'y être allé une fois, la première fois.

Reste à savoir pourquoi et si Dieu le veut, vous le saurez bientôt !

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