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Je me souviens. Il y a six mois déjà...

Je me souviens, papa, de la porte bleue par laquelle tu regardais le monde.
Je me souviens de ton regard de lumière et d’amour, qui nous a vu grandir, qui nous a fait grandir.

Je me souviens qu’adolescent, ça m’agaçait un peu que tu me regardes longtemps comme ça, non pas que ça m’agaçait vraiment, mais je ne comprenais pas. Je ne comprenais pas qu’au-delà de l’instant, c’était moi tout entier, de la naissance à ce jour, que tu regardais avec amour.

Puis j’ai grandi. Je suis devenu père à mon tour. Et je regarde mon enfant avec tes yeux, et le même amour.

Avant cela même, j’avais grandi, quand j’ai compris que ce que tu nous as donné, en fait tu nous l’as offert.

Je suis heureux d’être passé de l’âge ignorant, où tout ce qui est reçu n’est jamais qu’évidence, avec toi, à celui de l’adulte qui prend conscience de la chance qu’il a eue d’avoir des parents aimants.

Et rien n’est jamais donné, tout est toujours offert. Les cadeaux, les voyages, les connaissances, l’étude, les vacances, les moments partagés, et l’expérience, oui... j’en ai l’expérience ! disais-tu... sont autant de petits sacrifices offerts à l’amour de ses enfants.

Je me souviens que j’ai longtemps cru que c’était nous qui vous accompagnions sur les routes de vacances, loin, parfois même hors de France, quand en fait, à chaque fois, c’était vous qui nous accompagniez, qui nous le permettiez.

Tout ça, vendredi, j’aurais voulu te le dire mieux, mais je te l’ai dit comme ça, dans le bleu de tes yeux.

Tu nous as transmis l’élégance.
Tu nous as transmis l’harmonie, des formes, des couleurs, et des choses essentielles de la vie.

L’amour est un foyer dont il faut sans cesse entretenir le feu... Rappelle-t-en, me disais-tu. Il en est de l’amour comme du souvenir. Ça, je ne l’oublierai jamais.

Je me souviens aussi qu’à chaque moment unique tu me disais :
C’est bien de faire des choses... Ça fait des beaux souvenirs.
Et moi, toujours à l’âge du couteau, je ne le comprenais pas. Les choses ne sont pas faites pour avoir été vécues, disais-je, mais pour être vécues dans leur moment présent ! À quoi bon vivre les choses si ce n’est que pour en faire des souvenirs ! J’étais jeune et je ne comprenais pas comme je comprends aujourd’hui à quel point tu avais raison.

C’est si important de se souvenir, papa... Tous ces moments que j’ai connus de toi, ils ont existé, et ils existeront toujours.

Alors merci le ciel de m’avoir fait descendre chez vous deux, mes parents.
Merci papa d’avoir été toi.
Merci de m’avoir fait partager ta vie et d’avoir eu le souci de nous en transmettre, à Lilas, à maman et à moi, toujours que le meilleur.

Et je te promets que chaque année désormais, nous célèbrerons en ton nom la fête que tes pensées rêveuses ont créée début mars. Chaque année en ton nom, nous célébrerons la journée de la vinaigrette pour la femme !

Aujourd’hui tu es parti, tu es bien maintenant.
Il reste nous tous ici rassemblés. Il reste l’amour que l’on te porte, la peine de te voir si tôt quitter le monde, et les regrets... la conscience crue, l’évidence de se dire, qu’à tout jamais désormais, tout ce qui n’a pas été dit ne le sera jamais plus.

Avant que tu partes, je voulais que tu me donnes un conseil, un mot que tu aurais planté et qui aurait doucement germé en moi, jusqu’à ce que je le comprenne plus tard, au fil des années. 
Mais ce n’est pas tant par les mots que tu m’as dit des choses, c’est par le modèle de père que tu nous as offert. Et ce conseil que je voulais, je comprends aujourd’hui que toute ta vie tu me l’as montré, que toute ma vie je l’ai toujours eu sans forcément le reconnaître : c’est la générosité.

Et j’ai compris vendredi dans ton regard que ce qui véhicule mieux tout ce que tu m’as toujours dit, ce n’est non pas les mots, mais le bleu de tes yeux.

Alors si j’étais un renard je te dirais : l’amour est indicible pour les mots, on ne voit bien qu’au fond des yeux.

Merci de me l’avoir appris. Tu es avec moi toujours, en moi désormais présent comme le sang dans ce corps nouveau qui apprend à naître de ta mort.

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