Je suis (re)parti



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/hem/ /hem/

Allez... sortez ! N'ayez pas peur, voyons ! Ca fait longtemps que plus personne ne regarde de toute façon... Non non, je vous assure; il n'y a personne... Allez-y !

Les mots sont malhabiles tout chargés de poussière. Ils boitent, fendus, craquelés comme les titres des journaux de la veille collés sur les murs, arrosés par pluie et les chiens généreux. Ils titubent en voyant la lumière, s'accrochent aux apostrophes, se cachent derrière des parenthèses et trébuchent aux virgules.

Vous avez le teint blafard les amis, plus blanc que le fond d'une page... Dans la cage où vous vous entassiez, je vous ai entendu en raconter des histoires, mais personne pour les voir —je n'ose pas dire les lire. Elles seraient à dire... me soufflez-vous, mais elles n'existent pas ! précisément parce que le temps de les dire n'est plus. Tout au plus en viendra-t-il de nouvelles, qui parleront en leur mémoire.

La pensée vole et les mots vont à pied. Voilà tout le drame de l'écrivain, disait Julien Green. De là d'où vous venez j'imagine que les vôtres sont complètement usés... Piétiner ainsi dans le noir sans personne à qui parler véritablement ! Les nouveaux arrivants ont déjà l'air de survivants...

Je sais bien que vous n'y êtes pour rien... Car sans moi vous n'êtes rien que des peut-être, et moi sans vous je passe et m'efface aussitôt. Vous êtes l'infini des possibles et les gardiens de la mémoire.

Lequel d'entre vous vais-je choisir, alors, pour commencer ? Un mot qui conclut mais en même temps débute... Tiens, je vais prendre celui-là :

MERCI

Merci, c'est concis. Ce mot là n'en a besoin d'aucun autre pour exister et pourtant il est chargé de tant de choses, de tout ce que je n'ai pas pu mettre dans ma valise en partant, de tout ce que j'emporte de là-bas. Merci à vous, mes amis du Japon, à tous ceux présents ce soir-là et à ceux à qui je ne l'ai pas assez dit.

Parce que je suis rentré, en fait, oui... Oui, bon, on ne sait jamais, ça vaut peut-être la peine d'être mentionné... C'est que j'ai vécu tout ce temps avec le fantasme de reprendre le fil là où je l'avais laissé aussi ! Et puis nécessairement les fils s'emmêlent, on les perd et aujourd'hui la bobine est trop courte...

Tiens, par exemple, j'aurais pu vous parler de mon retour du Japon... Je vous aurais alors dépeint dans tous les délicieux détails du souvenir sublimé les menus plaisirs du départ d'un pays dans lequel on a vécu quatre ans, avec un billet éco et 23 kg de bagages autorisés... Mais ces mots là sont surannés, ce serait tricher. Je n'ai plus qu'à revivre la même expérience, mais je ne me le souhaite pas.

A défaut, je donne la parole aux images; elles n'ont pas besoin de trop en faire pour retranscrire une atmosphère :

Tout ça pour dire que me revoilà en fait... que ça fait du bien de reprendre l'air, d'étirer les syllabes et de faire se croiser les mots. Un petit jeu de jambes avant les pieds, avant les vers dans quelques temps. Et puisque qu'on parle de verres... ce n'est que justice qu'il revienne au Japon de clore cet apropo en chantant un sain et joyeux...

ありがと !


Le reste... c'est pour bientôt. Il y a ce mot, là, tout petit... si beau que j'en tremble de tous mes yeux, un mot de coeur, un mot vivant... Mais celui-ci aura la place qui lui revient : au début, pas à la fin.

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